A Nebbou dans la Sissili, Inoussa Ouédraogo, entrepreneur agricole, par ailleurs président de l’Union nationale des sociétés coopératives des producteurs semenciers du Burkina (UNPSB) exploite depuis plus de 6 ans, environ 200 hectares pour la production semencière. Sur le terrain, les résultats sont bien visibles et font la fierté de ce diplômé du Centre agricole polyvalent de Matourkou.
Il faut d’abord quitter Ouagadougou par la route de Léo. Parcourir une centaine de kilomètres avant d’atteindre Nébbou. Puis, emprunter une route tortueuse de 7 kilomètres parsemée d’embuches jusqu’à apercevoir une végétation luxuriante. Au bout, on est forcément impressionné par un vaste horizon verdoyant où se dressent fièrement sur des dizaines d’hectares plusieurs spéculations. Le maître des lieux, Inoussa Ouédraogo, un technicien agricole qui s’est tourné vers sa passion qu’est l’agriculture depuis une quinzaine d’années. De bon matin, le soleil réchauffe déjà les vastes étendues champêtres. « Cette plantation, je l’ai créée il y a 6 ans », lance l’entrepreneur agricole qui ne cesse de s’émerveiller du paysage qui l’entourent. On y trouve des habitations, des champs de riz, de maïs, de soja, de niébé, d’arachide, une ferme avicole non encore exploitée et un forage. « On fait le maximum pour développer notre activité », s’enthousiasme-t-il. La matinée est déjà bien avancée.
Un champ de maïs
D’un geste vif, l’agriculteur d’une quarantaine d’années, hisse sa longue silhouette sèche et s’empresse de nous faire visiter son exploitation. Avec son doigt, celui qui fut encadreur agricole avant de s’adonner corps et âme à l’entrepreneuriat agricole, désigne les nombreuses parcelles de son premier champ d’une superficie totale emblavée de 80 hectares.
« J’ai toujours voulu être agriculteur… »
L’entrepreneur en a plusieurs entièrement consacrés à la production des semences. « Ici, c’est le début du champ. De ce côté, on a 20 hectares de semences de maïs, mais dans l’ensemble le maïs occupe une quarantaine d’hectares. De l’autre côté, il y a le soja qui occupe 15 hectares. On a aussi des arachides et du riz… », explique-t-il, en sillonnant les allées de son impressionnante exploitation jouxtant un cours d’eau, la Sissili. Il y a quelques jours, de fortes pluies ont provoqué une inondation dans sa rizière. Mais l’agriculteur ne se laisse pas décourager. D’ailleurs, il en faut plus pour qu’il baisse les bras. « Ça ravagé une partie, mais il y a des repousses. Avec quelques pluies, je suis sûr que ça va reprendre », s’encourage-t-il, craignant tout de même les effets néfastes de la variation climatique. Une situation qui entraine, dit-il, des répercussions négatives sur l’agriculture. « Mais nous essayons de nous adapter en suivant les prévisions météorologiques pour planifier nos activités agricoles. En plus, nous labourons à plusieurs reprises les terres pour les ameublir au maximum afin de faciliter l’infiltration des eaux. Cela permet de s’adapter aux poches de sécheresse que nous constatons », décline-t-il. Inoussa Ouédraogo entretient ses champs comme la prunelle de ses yeux. Il y met tout son amour, son énergie, ses connaissances et ses moyens pour en faire un pôle d’attraction…et même un champ école. « Des élèves, étudiants, des techniciens agricoles et des agriculteurs viennent visiter mes champs afin de profiter de mon expérience », indique l’agriculteur, esquissant un sourire avant d’enfourcher une mobylette après plusieurs heures dans son premier champ. Direction ? Une autre exploitation d’une superficie de plus d’une centaine d’hectares. Là, les ambitions du producteur semencier sont plus grandes, osées. « Ici, je veux faire un centre intégré où cohabitent l’agriculture, l’élevage, la pisciculture et un centre professionnel. En fait, une ferme de référence pour inculquer l’amour de l’agriculture chez les jeunes », glisse le quarantenaire.
Au Burkina Faso, comme dans la majorité des pays d’Afrique Sub-saharienne, les semences constituent l’un des principaux déterminants des rendements agricoles. « Elles sont la première étape vers la production d’aliments et sont donc cruciales pour relever les défis alimentaires, nutritionnels et économiques », analyse Inoussa Ouédraogo, soulignant que de leur qualité, leur accessibilité et leur diversité, dépend le succès des agriculteurs dans leurs activités de production. « Si nous ne produisons pas des semences de qualité cela va se ressentir sur la production. Nous apportons notre contribution pour booster l’agriculture du pays en donnant aux producteurs-multiplicateurs des semences de qualité », poursuit-il. Ce technicien agricole, silhouette sèche et au regard clair, a fait ses classes agricoles au Centre agricole polyvalent de Matourkou.
Une rizière
Après avoir évolué dans l’encadrement des paysans, il a décidé d’abandonner son emploi pour se reconvertir en agriculteur…en producteur semencier. « Ça toujours été ma passion. J’ai toujours voulu faire ça. C’est certainement cela qui m’a poussé à me former », s’exalte celui qui a débuté son métier d’agriculteur par de petits champs de tubercules notamment les patates avant de se lancer dans la production des céréales, des légumineuses et des oléagineux.
La mécanisation et une forte main d’œuvre, le secret pour accroître la production
Ses années de salariat ont édifié son « amour » pour la terre et renforcé sa passion pour ce métier auquel ses parents ont consacré toute leur vie. « Je suis devenu un fou de l’agriculture », indique-t-il fièrement. « Mes parents étaient installés en Côte d’Ivoire comme planteurs, mais ils ont décidé de revenir au pays où ils ont poursuivi avec les travaux champêtres. C’est dans cet environnement que j’ai grandi », avoue l’agriculteur. Après une dizaine d’années de tâtonnements, d’échecs, il se définit aujourd’hui comme un agriculteur comblé. Mécanisation et une forte main d’œuvre, voici le secret de ce jeune entrepreneur agricole, considéré malgré son jeune âge comme une référence dans la production semencière. « Les champs s’étendent sur d’énormes superficies. Il est difficile de tout faire à la main. L’apport des tracteurs est donc essentiel car elle réduit la pénibilité des travaux, si fait qu’on peut emblaver de grandes superficies », explique celui qui emploie une trentaine de travailleurs dont des permanents et des saisonniers.
Ludovic Sawadogo, chargé du suivi des champs
Inoussa Ouédraogo s’est entouré d’une main d’œuvre qualifiée pour accroître sa production. Technicien agricole de formation, Ludovic Sawadogo a tourné dos au projet pour lequel il travaillait pour s’occuper exclusivement depuis fin 2020 aux exploitations de l’entrepreneur agricole. Chargé du suivi des champs et la gestion des ressources humaines depuis l’entame de la saison, il planifie les activités sur les exploitations. Selon lui, les techniques agricoles ont été respectées afin d’atteindre les objectifs. Le travail ici se fait en équipe et le suivi des travaux se fait au quotidien. « Si nous devons venir sur le site pour la production du soja, nous avons 4 équipes avec des chefs d’équipes différents, avec qui nous échangeons pour voir comment nous pouvons emblaver les superficies qui sont divisées par hectares. Ainsi, une équipe peut prendre 2 ou 3 hectares pour les semis par jour », explique-t-il. « Le travail est difficile certes, mais quand on est nombreux, on ne sent pas la pénibilité parce que le travail avance plus vite », complète Denis Ilboudo à la tête d’une équipe de 8 personnes. Il travaille ici depuis plus de 4 ans et rêve d’avoir un jour sa propre exploitation agricole. En classe de 2nd, Jean Ilboudo a raccroché avec les études pour être embauché comme tractoriste. S’il a abandonné de façon prématurée les « bancs » pour s’adonner à ce métier, c’est parce qu’il a pour ambition de se consacrer à l’agriculture. Pour le moment, le tractoriste est chargé de « labourer les champs et de ramasser la récolte ».
Inoussa Ouédraogo a fait de la mécanisation un de ses secrets pour accroître sa production
Pour cette campagne agricole, les champs présentent une bonne physionomie nonobstant quelques incursions de troupeau de bœufs, de singes et d’éléphants, souligne le technicien. « Pour les refouler, nous avons dû installer des lampadaires. Grâce à la Chine, nous avons acquis un capteur d’insectes. Les insectes capturés nous servent de fumures », indique Ludovic Sawadogo. Au cours de la campagne écoulée l’agriculteur a enregistré une production de 30 tonnes de soja, 50 tonnes de maïs et 4 tonnes de niébé. Il espère en fin de saison au vue de la « bonne physionomie » 100 tonnes de soja, 180 tonnes de maïs, 5 tonnes de niébé et 100 tonnes de riz qui devront lui rapporter entre 100 et 120 millions FCFA. « Sur le premier site, le maïs est déjà à maturité. Nous attendons 2 à 3 semaines pour les récoltes. Au niveau du 2e site, les spéculations sont en phase de maturation. Quant au niébé, il est à maturité et on se prépare pour commencer à trier ce qui est déjà prêt pour sécher », affirme Ludovic Sawadogo.
Même si pour le moment Inoussa Ouédraogo a recours aux engrais chimiques pour sa production, l’agriculteur envisage dans les années à venir l’usage exclusif des engrais organiques. « Nous voulons nous lancer dans la production biologique. Nous utilisons de moins en moins les produits chimiques surtout les pesticides », rassure-t-il.
La maitrise de l’eau, un défi pour produire toute l’année
Au Burkina Faso, bien que 80% de la population vit de l’agriculture, la production couvre à peine les besoins alimentaires du pays. Garantir l’accès aux denrées alimentaires est un enjeu vital. Ainsi, le Burkina a adopté la culture de contre-saison dans les années 2000 comme une alternative à la promotion de l’autosuffisance alimentaire. Des efforts de vulgarisation de cette culture hors hivernage, ont été consentis dans les zones fertiles où les producteurs bénéficient de l’appui du gouvernement.
Tout comme certains agriculteurs, Inoussa Ouédraogo envisage de se lancer dans la culture de contre-saison. Mais, son principal défi c’est la maîtrise totale de l’eau (irrigation) allant du mois d’octobre au mois de mars. « Cela nécessite de gros investissements qui dépassent mes moyens pour le moment », admet-il, précisant que le cours d’eau qui entoure ses champs ne tarde pas à tarir, rendant difficile non seulement les cultures maraichères, mais aussi l’élevage pour lequel il a des ambitions. « Pour mettre en œuvre ce projet, il me faut plusieurs forages pour l’irrigation des champs », avance l’agriculteur, qui entend s’y investir pleinement.
Par Daouda KINDA
Bravo à Mr. Le président ; le poumon du secteur agricole du Burkina
Que Dieu vous garde !!!
Merci beaucoup